Daniel Renaud   Trésor des Îles

Un texte de Mario Bernard Tremblay, publier dans le MAGAZIN'ART automne 2001

Quand le temps est beau, que le soleil plombe bien droit sur les Îles de la Madeleine et que le vent sommeille, Daniel Renaud monte dans sa barque et entreprend une expédition sur les eaux calmes du golfe Sanit-Laurent. Son trajet le conduit à un repair secret près d'une haute paroi rocheuse où se cache un butin fabuleux : l'albâtre, pierre des temps anciens entourée de mystère,pierre chaude et douce  sertie de mille couleurs aux contours imprévus. L'albâtre, source inépuisable d'inspiration pour l'homme qui entend son appel et sait le regarder. 

Le Sculpteur Daniel Renaud entreprend ce périple une dixaine de fois par année à la recherche de ces précieuse qui stimuleront sa créativité et nourriront son âme. Selon l'artiste, qui habite les Îles depuis plus de trente ans, les propriétés de la pierre madelinienne sont uniques au monde : << Contrairement à celui d'Égypte et d'Italie qui est blanc et semi-opaque, l'albâtre des Îles est coloré et opaque, ce qui lui donne un grand avantage pour la création. >> Dès le premier contact avec ses pierres, Renaud évalue les possibilités qu'offrent les formes et les couleurs. Puis, à l'atelier, il fait un choix définitif sous le coup de l'inspiration : <<Je ne planifie jamais rien avant d'amorcer un peuvre. Il faut que la pierre me parle, qu'elle ait quelque chose à dire pour que je m'exécute.  >> Ces pierres millénaires imprégnées de temps, ridées par le passage incessant des des vagues. renferment des secrets que  seul Daniel Renaud peut délivrer.

 

Son oeuvre est un hymne puissant aux Îles de la Madeleine, à leur peuple combatif et à la mer généreuse. Les thèmes abordés par le sculpteur s'y reportent sans cesse. Renaud en connaît tous les '' racoins'', les habitants, leurs humeurs : << On n'échappe pas aux îles. Je les ai dans la peau >> , lance l'artiste à l'accent coloré d'intonations musicales qui rappellent que les îles ont été colonisées par les Acadiens. 

Avec leurs lagunes , leurs dunes et leurs immenses falaises rouges qui sont de magnifiques sculptures naturelles, les Îles de la Madeleine se sont révélées un extraordinaire terrain de jeux pour Renaud lorsqu'il était enfant. Et sans compter les longues histoire de pêche aux homards et de chasse aux phoques sur les glaces qui sont venues à ses oreilles maintes et maintes fois : << Pour moi, c'étaient des choses normales tout ça. J'ai eu une jeunesse comme les autres enfants de l'archipel. Mais les images qu'il m'en reste sont très fortes, imprégnées au fond de moi comme une sorte d'héritages que je voudrais transmettre. >>  

Son univers sculptural empreint d'un grand lyrisme nous emmène à la découverte d'un habitat marin exceptionnel : tantôt, c'est un phoque et son blanchon sur la banquise ; tantôt encore, une puissante baleine ou un preste héron aux aguets : << Je m'inspire des Îles mais je ne reproduits jamais la réalité, dit le sculpteur. J'esquisse parfois quelques lignes au crayon sur la pierre avant d'entreprendre une sculpture, sans plus. Je préfère m'en tenir à une impression, une idée, et je tente d'aller plus loin que cette réalité >>. Renaud sculpte également des portraits intimement liés à la vie maritime comme celui du capitaine de bateau coiffé de son légendaire suroît : << ces hommes-là méritent tout notre resoect, insiste l'artiste. Ils ont façonné notre histoire avec beaucoup de courage. Je veux leur rendre hommage à ma façon . >>   

C'est de son père, Joseph, que Daniel Renaud doit d'être sculpteur : << Un bon jour, racontre l'artiste avec émotion , mon père esr revenu à sa boutique avec deux pierre d'albâtre qu'il à déposées  sur la table en disant : << Essaye donc de faire quequ'chose avec ça >>. Renaud avait 21 ans à l'Époque et n'avait jamais sculpté la pierre. Par contre, il travaillait comme apprenti avec son père, ébéniste, depuis son tout jeune âge : << J'était adroit de mes mains. Très tôt, j'ai appris à aimer le bois, à le travailler. J'ai sculpté de nombreux bas-reliefs. Je me tirais très bien d'affaire mais avec le recul, je me rend compte que mon père a voulu me donner une vie riche en émotion et en passion. >> 

Après 15 années à effectuer des recherches, à étudier dans le but de parfaire son travail, et soutenu par une technologie qu'il à lui-même adaptée avec ingéniosité à ses besoins, Daniel Renaud peut être considéré comme un artiste autodidacte de très haut niveau. Le voir sculpter dans son atelier est un heureux voyage aux confins de la maîtrise de son art. Quand il entaille la pierre ( elle pèse souvent de 6 à 7 kg) à la scie à diamant pour la dégrossir. la main est sure et agile. Il la tourne et retourne, la soupèse et la taille encore jusqu'à ce qu'une silhouette apparaisse. Après l'avoir rapé, le sculpteur manie avec aisance couteaux et ciseaux afin de préciser la forme et lui donnerson caractère propre. Puis, au jet de sable, il creuse, et accentue le relief. Chaque mouvement est déterminant et sans appel. Il met ensuite la dernière touche à son oeuvre en la polissant à la meule de coton, lui donnant ainsi un fini lustré.

Chaque pièce est unique, servie par une dinamique inspirée. La fluidité du mouvement, jumelée à la finesse des lignes et des courbes, confère aux pièces de Renaud, une véracité troublante. Après avoir osé l'abstraction à quelques reprises, le sculpteur s'en est détourné: << J'aime que les gens comprennent ce que je fais, qu'ils n'aient pas à se poser un millier de questions sur mon art. Mes pièces doivent être accessibles. >>

L'oeuvre de Daniel renaud est aussi très riche par ses couleurs. Lorsqu'il est poli, l'Albrâtre des îles présente de nombreuses variétés de tons souvent juxtaposés qui  interviennent également dans le choix des sujets de l'artiste. Renaud y ajoutera aussi à l'occasion certains autres matériaux tels que des cpquillages, des bois de grève ou encore des os de baleine. L'onyx utilisé pour la confection des yeux viendra aussi donner un caarctère essentiel à l'oeuvre : << L'ooeil, c'est le premier contact, le lien direct entre les individus. L'onyx, une agate très noire, me permet de créer ce lien instantanément >> explique le sculpteur.  

Avec un brin d'audace, il monte maintenant certaines de ses pièces sur des bases pivotante : Ça permet de regarder une oeuvre sous tous ses angles. On peut la déplacer régulièrement ne serait-ce que de quelques centimètres et la voir toujours sous un jour nouveau >> .

Les élans créatifs de l'artiste atteignent de nouveux sommets lorsqu'il sculpte des pièces à deux faces où l'on peut voir, par example, d'un côté un poisson agile, et de l'autre, un bel oiseau sur sa lancée. Ces sculptures sont de véritables chefs-d'oeuvre : << Ici encore, c'est la pierre qui dicte sa volonté. Je vis des moments de grâce lorsque j'arrive à mettre la main sur une pierre semlable >>.

L'Albâtre exerce également un grand attrait du fait de sa rareté: << Il n'y en a qu'aux Îles et c'est une ressource qui s'épuise. Ce n'est pas par prétention que je garde secrets mes secteur de cueillette, mais bien par nécessité >>.

Avec le temps, Daniel Renaud à emmagasiné des centaines de pierres qui reposent sur le sol de son atelier. Il y a ce qu'il faut pour faire un grand bout d'ouvrage comme dit l'artiste, mais il aime retourner régulièrement dans ces endroits dérobés : << Les accès sont difficiles et les pierres sont lourdes, mais je retrouve le calme et la paix quand j'y suis. Certains vont ceuillir des fraises; moi je vais ceuillir des pierres et et ça me détend >> dit-il en souriant. Il a aussi pris soin d'en mettre quelques-unes de bonne dimensions de côté afin qu'il puissen un jour se faire vraiment plaisir. << J'ai des idées pour des sculptures plus imposantes. C'est un défi qui m'attire énormément. Je veux que ces pièces marquent le temps et j'attendrai le bon moment avant de me lancer >>.

Ce qui est certain toutefois, c'est que Daniel Renaud a un avenir très prometteur devant lui. À 37 ans, il fait déjà montre de maturité, d'assurance et de sérieux qui rejaillisent sur l'ensemble de son oeuvre. Avec ce talent peu commun qu'il joint à des efforts constant, Renaud est de cette trempe d'artistes qui laissent une empreinte indélébile sur leur art. << Au Québec, il y a énormément de potentiel artistique et encore beaucoup de choses restent à faire. J'espère simplement faire ma juste part >>. conclut-il sur un ton humble propre aux artistes d'exeption.